Travail dissimulé :
Ryanair à nouveau devant les juges
Roissy CDG, le 09 mars 2022 – Le Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL) est engagé depuis plus d’une dizaine d’années dans un combat judiciaire contre les pratiques frauduleuses mises en place par la Compagnie aérienne Ryanair pour ne pas appliquer le droit du travail français, ni la législation en matière de sécurité sociale, à ses salariés travaillant pourtant en France.
La fin de ce premier feuilleton judiciaire approche puisque Ryanair va à nouveau être jugée, les 10 et 11 mars prochains, par la Cour d’appel de Paris pour travail dissimulé par absence de déclaration préalable à l’embauche, entraves aux institutions représentatives du personnel, prêt de main d’œuvre illicite, et également en raison de la fraude organisée à la législation européenne en matière de paiement des cotisations sociales, entre 2007 et 2010, pour ses personnels navigants travaillant en France sur sa base, située à Marseille.
Ces fraudes lui avaient valu d’être condamnée, le 28 octobre 2014, par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, pour travail dissimulé, entraves et prêt illicite de main d’œuvre. Ryanair a été également condamnée à payer à la Caisse de Retraite du Personnel Navigant Professionnel de l’Aéronautique Civile (CRPN) et à l’URSSAF, respectivement, 3 et 4,5 millions d’euros.
Cependant, la Cour de cassation a cassé cet arrêt, car entre-temps, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a posé, dans une affaire similaire, des exigences procédurales relatives “à la coopération préalable” entre institutions de sécurité sociale des États membres avant toute possibilité de sanction de la fraude par le juge pénal.
Pourtant dans ce dossier, une procédure de dialogue entre les institutions de sécurité sociale françaises et irlandaises avait bien été initiée par l’URSSAF. Mais cette procédure avait échoué en raison du refus de l’organisme irlandais de réexaminer la situation et de prendre en considération les éléments portés à sa connaissance par l’URSSAF.
La Cour d’appel de Paris est donc appelée ici à réexaminer ce dossier à la lumière des dernières jurisprudences de la CJUE.
Cette audience est importante car elle sera l’occasion pour la Cour d’appel de trouver un juste équilibre entre le respect de l’application des principes procéduraux posés par la CJUE et la nécessité absolue de lutter contre et de condamner toute fraude avérée aux législations sociale et du travail, le non-respect des droits des salariés et la concurrence déloyale envers les autres compagnies aériennes, qui elles respectent les législations européenne et française applicables.
L’enjeu de ce réexamen de l’affaire est également important pour la CRPN et pour l’URSSAF : il apparaîtrait injuste et inacceptable que la CRPN et l’URSSAF soient contraintes de rembourser à Ryanair les dommages et intérêts perçus en raison des condamnations prononcées en 2014, simplement en raison d’une procédure peu claire à l’époque des faits et déterminée a posteriori par la CJUE, alors que la fraude est avérée.
Enfin, ce dossier sera aussi l’occasion pour la Cour d’appel de Paris de se prononcer sur le droit au recours effectif des pilotes et de leur organisation syndicale qui n’ont jusqu’à présent aucun moyen direct de se faire entendre dans la procédure préalable entre les organismes de sécurité sociale qui est ainsi exigée par la CJUE. De même, ni les pilotes ni une organisation syndicale ne peuvent contraindre l’URSSAF à initier ce processus pour voir leurs droits respectés.
La CJUE n’a quant à elle jamais abordé ce sujet alors même qu’il s’agit d’un droit fondamental et d’une liberté publique garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Enfin, Ryanair avait également été condamnée à l’époque pour entraves à la mise en place d’institutions représentatives du personnel et à l’exercice du droit syndical.
Le SNPL place beaucoup d’espoir dans l’issue de cette procédure. Même si Ryanair a depuis changé un certain nombre de ses pratiques et a ouvert de nouvelles bases en France, l’ensemble de ses pratiques considérées comme frauduleuses doivent être définitivement condamnées et les personnels navigants doivent se voir reconnaître leurs droits.