Ne jouons pas avec la sécurité aérienne : 

Le SNPL est défavorable au développement des opérations monopilotes (SPO)

conseil européen

Roissy CDG, le 27 Janvier 2021 – Le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), dont une des missions principales est de maintenir et d’accroître la sécurité du transport aérien, est opposé à la mise en place des opérations monopilotes telle que suggérée par le Directeur exécutif de l’Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA).

Dans une interview donnée au media FlightGlobal le 20 janvier dernier, Patrick Ky, Directeur exécutif de l’AESA a déclaré au sujet des opérations monopilotes (vol avec un seul pilote aux commandes) qu’il estimait que : “ cela pourrait être introduit relativement rapidement, pour les phases de vol qui ne nécessitent pas nécessairement la présence de deux pilotes dans le cockpit ». Ces propos nous interpellent tant par le décalage qu’ils révèlent entre la réalité du terrain et les sphères décisionnelles européennes, que par les croyances technologiques qu’ils colportent.

La sécurité aérienne est certes un sujet très complexe, où chaque évolution peut remettre en cause la précédente. Pour autant, faut-il avancer en risquant de sauter des étapes et d’oublier des fondamentaux ou faut-il préférer la politique des petits pas ? L’histoire montre que cette dernière approche est plus efficace et a toujours garanti, depuis les dernières décennies, l’exemplarité du secteur en matière de sécurité.

L’AESA veut changer de paradigme ? Pourquoi pas. Mais pour cela, il faudrait que ces nouvelles orientations soient fondées sur des études démontrant leur pertinence. Nous n’en voyons aucune, au contraire la FAA et la NASA soulignent de leur côté que les opérations monopilotes posent des risques inacceptables dans les situations d’urgence.

L’AESA ne doit pas oublier sa raison d’être : assurer et améliorer le niveau de la sécurité aérienne.

Nous, pilotes, sommes le principal rempart pour assurer la sécurité des passagers. Nous avons un intérêt commun qui ne supporte qu’une seule statistique : 100% de sécurité. Cet objectif est ancré dans notre ADN de professionnels. Nous y travaillons quotidiennement. Quand Monsieur Ky explique que la présence d’un seul pilote est suffisante, lorsque l’appareil est en croisière, pour assurer la gestion du vol, il oublie dès lors un paramètre fondamental et pourtant évident : les problèmes aux conséquences graves qui surviennent, sont ceux qui n’ont pas été anticipés ! En effet, les pilotes aux commandes font face quotidiennement à des événements totalement imprévus et non répertoriés par les constructeurs ou les décideurs. Il est donc impératif d’avoir toujours plusieurs pilotes en capacité de parer à l’imprévisible.

A titre d’exemple, le 20 avril 2018 un vol Southwest, opéré en B 737, a vu l’un de ses deux moteurs exploser alors que l’appareil était en croisière. Jusque là, rien n’aurait dû être grave, car d’après les exigences de certification de l’AESA cette panne, envisagée, aurait dû être contenue et ne pas endommager la structure même de l’appareil. Or, ce que l’AESA n’avait pas prévu, et qui est pourtant survenu, est qu’une partie du moteur a percé le fuselage et a créé une dépressurisation.  Les deux pilotes se sont retrouvés face à des pannes multiples non répertoriées et seule leur expertise, leur analyse commune de la situation et la prise de décision concertée ont permis de sauver les passagers.

Nous avons hérité de règles, certainement perfectibles, mais qui ont démontré leur efficacité. Nous avons évité, jusqu’à récemment, les règles absurdes, probablement parce que la pression financière était moins forte pour les industriels.

L’accident du vol Germanwings en 2015 causé par le suicide du pilote dont parle le directeur de l’AESA, a marqué les esprits et a changé la politique au sein de cet organisme. L’AESA est sortie de la politique des petits pas, pour imposer trop prématurément des parades inadaptées alors  que l’enquête ne faisait que commencer.

D’aucuns peuvent regretter l’évolution relativement prudente du système, mais c’est bien grâce à ces petits pas du quotidien que les pilotes peuvent garantir une sécurité maximale à tous les passagers. Changer de paradigme dans un système exemplaire est, au mieux schizophrène, au pire purement vénal.

La sécurité des passagers n’a pas de prix aux yeux des pilotes : le SNPL accompagnera les évolutions technologiques qui amélioreront la sécurité des vols mais refusera systématiquement toute mitigation de risques pour une simple raison économique.

Vous pouvez également consulter la position similaire adoptée par l’IFALPA en allant sur la page suivante : Position de l’IFALPA sur les opérations monopilotes