La Commission Européenne pointe les failles dans les
pratiques d’emploi du secteur aérien
Roissy CDG, le 1er mars 2019 – Le nouveau plan de la Commission européenne pour empêcher les abus sociaux dans le secteur de l’aérien est formé de deux éléments essentiels : tirer enfin la sonnette d’alarme auprès des États membres et la création d’un Groupe d’Experts.
Publié ce jour par la Commission, ce plan présente les grandes lignes d’un “agenda social” pour les personnels navigants, avec l’objectif de parvenir à une “responsabilité sociale dans le domaine du transport aérien” en Europe. Ses cibles principales sont les compagnies aériennes et les agences de travail intérimaires, dont certaines tirent profit des lacunes réglementaires et du manque d’application effective des lois en vigueur au sein des États membres.
Les principaux problèmes listés dans le rapport de l’Agenda Social sont les suivants : des compagnies aériennes qui déclarent faussement des pilotes et personnels de cabine comme autoentrepreneurs, l’utilisation quasi-permanente des brokers, l’exploitation des jeunes pilotes par des pratiques de “pay-to-Fly”, ou l’empêchement de l’application du droit du travail local sur les “home base” du personnel navigant. Un Groupe d’Experts constitué de professionnels de l’inspection du travail et de représentants de l’aviation civile, provenant des états membres sera au cœur du dispositif afin de parvenir à la mise en place de solutions concrètes. Ceci met sous pression les compagnies et intermédiaires qui ont eu recours à ces pratiques, après des années de contournement de la législation en vigueur, dans le domaine du droit du travail et des règlements européens.
« En l’absence de loi Européenne globale dans le domaine du droit du travail et de la protection sociale, l’Union Européenne a longtemps ignoré les problèmes sociaux, les abus, les pratiques anti-concurrentielles qui se sont accumulés dans le ciel unique européen” indique Jon Horne Président de l’ECA. « Nous devons rompre avec l’idée d’une Europe impuissante parce qu’elle n’a pas de droit de regard sur les questions sociales nationales ».
Les lois récemment adoptées pour les chauffeurs routiers, à la fois plus lisibles, plus justes et d’application plus faciles démontrent que l’Union Européenne peut agir dès lors que la volonté politique est présente. Ce nouveau groupe constitué d’experts de l’aviation et d’autorités du travail de chaque État membre constitue une approche efficace pour se saisir des nombreux problèmes auxquels ce secteur est confronté, même s’il sera aussi nécessaire d’apporter rapidement des modifications réglementaires au niveau européen ».
Le rapport sur l’agenda social met en évidence les handicaps majeurs du système actuel, à savoir le flou réglementaire et le recours systématique à une analyse chronophage au cas par cas des pratiques d’emploi problématiques et de celle du montage des compagnies.
« L’application de la loi n’est pas simplement souhaitable, elle est indispensable » affirme Jon Horne Président de l’ECA. Les autorités nationales ont besoin de règles claires et applicables avec des responsabilités clairement définies pour les compagnies aériennes. Il en est de même pour les équipages : ils ont besoin de connaître leurs droits avec certitude à l’avance. Si on sait que la quasi-totalité de l’auto-entrepreneuriat des pilotes est fictif, pourquoi ne pas identifier des critères, des définitions, des conditions et des vérifications préalables, de manière à prévenir l’usage de telles pratiques avant que les abus n’aient lieu. Ce n’est pas aux individus qu’il revient d’engager de longues et coûteuses procédures contre des compagnies européennes multimilliardaires ».
Le rapport précise que les lois doivent être respectées : la législation Européenne fixe des standards sociaux minimum, tels que la directive sur le travail détaché ou la coordination des systèmes de sécurité sociale, ainsi qu’en ce qui concerne les lois nationales du travail applicables aux équipages. Ces lois doivent être respectées par les compagnies, sous le contrôle des autorités nationales. La Commission Européenne stipule explicitement l’importance de la notion de « base d’affectation » de l’équipage, qui est le critère le plus significatif pour déterminer la loi nationale applicable du travail en vigueur, et ajoute que la « nationalité de l’avion » n’est pas un critère recevable, contrairement à ce que certaines compagnies aériennes ont revendiqué jusqu’à maintenant.
Le travail indépendant fictif parmi les pilotes est l’un des enjeux majeurs auquel le nouveau groupe d’experts devra s’attaquer sérieusement. Selon la commission, des indicateurs tangibles révèlent que le statut d’auto-entreprenariat n’est souvent pas réel, c’est en fait une manœuvre tactique utilisée par certaines compagnies aériennes pour masquer ce qui devrait être considéré comme un emploi régulier. L’étude Ricardo, réalisée pour les besoins du rapport de la Commission Européenne, révèle l’ampleur du problème : 93% des pilotes indépendants en Europe n’étaient pas libres de choisir quand, où, et pour qui ils veulent travailler.
« De plus en plus de compagnies aériennes forcent leur personnel navigant à accepter ces emplois précaires et atypiques qui leur procurent à la fois de la flexibilité et une productivité à tout prix. Elles les appellent « nouveau modèle économique », nous les appelons « pratiques abusives » affirme le Secrétaire général de l’ECA, Philip von Schöppenthau. Il ajoute que « ces business modèles » ne sont possibles que parce qu’il existe des failles dans le système législatif et dans l’application des lois. Il est temps d’y faire face, et la Commission Européenne doit reconnaître que ces pratiques font partie du problème. Malheureusement, ce rapport sur « l’Agenda Social » ne va pas assez loin, le plan d’action proposé ne constitue que les toutes premières étapes pour traiter cette question ».
Il ajoute : « Cependant, avec ce rapport sur « l’Agenda Social » plus personne ne pourra désormais nier l’existence de défis sociaux concernant le personnel navigant qui sont une réalité de leur quotidien. Pour accroître une connectivité sociale responsable et assurer un contexte équitable dans l’aviation Européenne, ces questions doivent être abordées le plus rapidement possible, de façon conjointe par une collaboration entre les États membres, la Commission, le Parlement et les partenaires sociaux. L’ampleur des preuves apportées par ce rapport doit conduire la Commission à concentrer son action actuelle sur cet agenda social et à s’y consacrer en priorité, en cette fin de mandat Juncker ».
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